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Zoom sur une action relative à la filiation: la contestation de paternité

Faites l’essai dans votre moteur de recherche, tapez « test de paternité », et en quelques clics, vous
trouverez pléthore de sites de vente en ligne proposant, moyennant une centaine d’euros, l’acquisition de kits de prélèvements permettant de comparer l’ADN du père supposé et de l’enfant.

Dans l’esprit des utilisateurs, le souhait de lever le doute sur la réalité de leur paternité, d’avoir des certitudes avant de reconnaître un enfant ou d’engager une procédure pour contester sa filiation

La démarche parait si simple…Pour autant, en France, cette recherche de vérité biologique, strictement encadrée, est bien plus complexe.

 

Pourquoi est-ce obligatoire de recourir à un juge ?

 

La légalité des tests de paternité basés sur l’ADN est strictement encadrée par l’article 16-11 du Code civil. Cette recherche ne peut avoir lieu qu’après une décision de justice ordonnant cette mesure qui intervient dans le cadre d’une action relative à la filiation (établissement ou contestation de filiation, actions aux fins de subsides). Et non pas pour répondre à cette soif de vérité génétique…

Ces actions judiciaires portées devant le Tribunal de Grande Instance nécessitent le recours à un avocat, ont un coût certain et durent plusieurs mois.

1-La juridiction va contrôler en amont la recevabilité de l’action. Les délais et les conditions pour agir sont en effet stricts.

Par exemple, pour contester la paternité, le parent doit agir, dans un délai allant de cinq à dix
ans, en fonction de sa situation : la notion juridique de « possession d’état » est alors passée au crible ; elle caractérise la vraisemblance de la filiation, notamment en s’appuyant sur la réalité de
l’environnement familial :

  • La personne s’est comportée comme un père vis-à-vis de l’enfant et l’enfant l’a traité comme son parent ;
  • Le père prétendu a assumé l’enfant sur le plan matériel, en contribuant à son entretien et son éducation ;
  • La famille, les administrations et la société en général connaissent le parent prétendu comme le père de l’enfant ;
  • L’enfant porte le nom du père (ou le nom des deux parents)

En vertu de l’article 311-2 du Code civil, cette possession d’état doit être « continue, paisible, publique
et non équivoque
». Autrement dit, il doit s’agir d’une situation stable et continue, non frauduleuse, exposée aux yeux de tous, et qui ne laisse pas planer de doute.

-Si la possession d’état a perduré plus de cinq ans, il n’est plus possible de contester la paternité.

-Si elle a duré moins de cinq années, le demandeur doit agir dans le délai de prescription quinquennale à compter de la fin de cette possession d’état.

-A défaut de possession d’état, le délai est porté à dix ans.

D’autres cas de figure existent, et les conditions de délais sont à examiner avec attention. ( cf Légifrance)

2-Le recours au juge va permettre de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant mineur qui peut parfois être représenté dans l’instance judiciaire, par un administrateur ad hoc, chargé
de défendre ses intérêts lorsqu’ils entrent en contradiction avec ceux de l’un de ses parents. C’est classiquement le cas d’une action en contestation de paternité est engagée par celui qui a reconnu l’enfant sans en être le géniteur.

Gardez à l’esprit que les données issues d’un prélèvements ADN sont sensibles et doivent être protégées.

3- Le consentement libre et éclairé de la personne examinée est requis ; il s’agit surtout d’éviter
toute pression ou risque d’atteinte à la vie privée. Le parent est donc libre de refuser le prélèvement biologique ordonné la justice et le juge en tirera alors les conséquences… Une carence injustifiée à l’examen peut ainsi être interprétée comme un aveu de paternité.

4- Qui plus est, pour assurer la fiabilité des résultats et le respect des protocoles, les laboratoires habilités
sont triés sur le volet. Seuls ceux qui obtiennent un agrément doublé d’une inscription sur la liste des experts de la Cour d’Appel peuvent être mandatés par la justice aux fins de procéder à ces analyses.

Gardez à l’esprit que les caractéristiques de votre patrimoine génétique sont des données personnelles précieuses. Les transmettre à un laboratoire lambda soumis à une règlementation extranationale comporte des risques quant à leur utilisation et leur confidentialité.

 

Une sanction délictuelle en cas de test « sauvage » hors du cadre légal

Si l’on sort de ce cadre légal, la sanction est édictée à l’article L1133-4-1 du Code de la santé publique :
« le fait, pour une personne, de solliciter l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers ou l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques en dehors des conditions prévues par la loi est puni de la peine prévue à l’article 226-28-1 du Code pénal » à savoir 3 750 euros d’amende.

Cette disposition issue de la loi relative à la bioéthique a vocation à interpeler sur le caractère aléatoire des résultats des analyses confiés à des laboratoires dont la fiabilité est inégale.

Surtout, il s’agit pour les personnes tentées de recourir à ces tests d’être pleinement accompagnées par un professionnel pouvant interpréter ces résultats.

Enfin, l’impact sur la famille des résultats de tels tests ne doit pas être négligé.

Traditionnellement en France, être père, ce n’est pas seulement féconder et transmettre ses gènes, c’est surtout élever, accompagner au quotidien, éduquer, entretenir et aimer.

Le lien de filiation, qui est une des fondations de l’identité de l’enfant, ne peut pas être soumis aux fluctuations de la vie amoureuse de ses parents.

Une réflexion s’impose donc avant d’engager des démarches, car fragiliser le lien de paternité, c’est risquer de briser la cohésion de toute la famille.

Annie COUPET

5/09/19